Pour tout bédéphile, irrémédiablement, cet album nous invite à la comparaison avec l'oeuvre majestueuse d'Ayrolles et Masbou. Le titre est suffisamment évocateur pour replacer l'oeuvre dans un contexte historique précis, quoiqu'inventé, et la faconde de son héroïne n'est pas sans rappeler la verve jouissive d'Eusèbe et consorts. Le parallèle s'arrête neanmoins là. Dans ce truculent ouvrage, nous suivons Serine, qui se destine à devenir damoiselle de compagnie de la Reine faute de céder au mariage arrangé par sa famille dans le besoin. Armée de son imagination fertile, d'un sens de la répartie aiguisé et d'un courage qui flirte dangereusement avec la naïveté, elle va se frotter aux turpitudes de la cour telle une funambule sans filet.

Parfaitement servie par le dessin toujours aussi doux des Kerascoet (dont nous avons notamment apprécié un encrage plus prononcé qu'à l'accoutumée) et une palette de couleurs riche à souhait, cette adaptation de l'oeuvre de Flore Vesco se veut résolument moderne dans son approche et les thématiques qu'elle ne manque pas de soulever, et résonne particulièrement aux oreilles du lecteur qu'elle emmène au sein du panier de crabes des courtisans. Ainsi, alors que pour exister au sein de ce milieu arriviste, les apparences semblent primordiales, c'est bien par sa malice et son audace que Serine parviendra à se maintenir à flots, faisant fi d'une condition peu enviable à l'origine. "La cause principale des erreurs humaines se trouve dans les préjugés acquis dans l'enfance" selon Descartes. Bien nous prendrait dès lors de soumettre cette lecture aux jeunes qui nous entourent; faute d'un destin idyllique, nous pourrions à minima espérer leur offrir une chance de vivre des lendemains qui chantent. Batir son avenir sur son intellect plus que son fard à paupières, c'est encore la meilleure facon d'affronter les turpitudes que notre société dresse sur la route de ses contemporains, n'en déplaise aux perruquiers au chômage technique.