Scénario : Jul
Dessin : Achdé
d'après Morris
Il n'y a pas qu'à Hawaï qu'il n'y a pas de bière, mais aussi dans tout le Far West. Il n'y en a plus depuis un mois. La raison en est une grève générale des ouvriers dans les brasseries de Milwaukee, la capitale américaine de la bière. Lorsque Lucky Luke rend visite à un médecin dans la petite ville de New-München, il apprend la misère et se laisse convaincre de chevaucher jusqu'à Milwaukee pour servir de médiateur entre les parties d'origine allemande apparemment irréconciliables - ici les barons de la bière, là les ouvriers de la brasserie. Arrivé à « Brew City », il rencontre certes une vieille connaissance mais se heurte sinon à l'hostilité des grévistes et du « colonel » Frederick Martz, le patron de la plus grande brasserie de la ville. Les fronts se durcissent jusqu'à ce que le gouverneur du Wisconsin prenne une décision lourde de conséquences, dans laquelle les Dalton entrent également en jeu...
Les immigrants allemands et leur boisson préférée sont au centre du nouveau volume de Lucky Luke, et également le cinquième volume écrit par l'auteur Jul. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, Milwaukee comptait jusqu'à deux tiers d'Allemands de souche, qui y brassaient leur bière comme ils en avaient l'habitude dans leur ancienne patrie. Finalement, des complexes de brasseries féodales y ont vu le jour, dirigés par des barons de la bière fortunés, comme Friedrich « Frederick » Pabst, qui, en tant que président de la Pabst Brewing Company, est le modèle du personnage de Frederick Martz dans ce volume. Aujourd'hui encore, Milwaukee célèbre d'ailleurs le « German Fest » annuel, où, comme il se doit, le jus d'orge est à l'honneur. Le volume, d'emblée, déborde d'humour - des gags réussis, des allusions aux manies et aux coutumes allemandes et, bien sûr, des clichés. La densité des gags est élevée, sans pour autant perdre de vue l'histoire. Exemples : une Lulu Marlene danse au Blue Angel Saloon, on aime et on respecte l'ordre et les règles, on boit sa petite bière à chaque occasion. A l'opéra, on donne bien sûr du Wagner, Martz (« Une occupation allemande ne se termine pas bien ») offre des caisses de bière en récompense, le sheriff s'appelle Benz et porte une étoile à trois branches. Les grévistes sont marxistes dans l'âme, des portraits de Marx en caricature sont accrochés partout. Jul a même intégré une référence à Winnetou. Et Trump ou plutôt l'ancêtre allemand, n'est pas oublié non plus. A cela s'ajoute l'humour typique de la série, lui aussi parfaitement intégré à l'histoire parce que discret : Luke entretient son propre mythe en étant une fois de plus plus plus rapide que son ombre. Et bien sûr, les Dalton sont de la partie, eux qui n'avaient joué qu'un rôle secondaire dans le dernier tome. Sauf que cette fois-ci, ils sont habillés en culottes de cuir. Le sournois Joe brille comme toujours par sa colère contre Luke et Averell n'est pas devenu plus intelligent (il en va de même pour Rantanplan) et n'a pas moins faim.
VERDICT
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Un tome merveilleusement divertissant et drôle. Côté dessin, rien ne change - dans le meilleur sens du terme. Achdé cultive le style de Morris et parsème régulièrement ses planches de grands formats et d'opulence, il n'y a rien à redire.