Le nouvel album de Quentin Zuitton est l'adaptation du roman de Mario Bellatin "Salón de Belleza". Pour commencer, nous pouvons dire qu'un styliste, dont nous comprenons qu'il est homosexuel et qu'il aime se travestir, décide de transformer son institut de beauté en lieu de mort lorsqu'il découvre qu'il souffre d'une maladie qui le consume et qu'il va bientôt mourir, alors qu'il s'occupera d'autres patients en phase terminale avec seulement des soins palliatifs : un peu de bouillon de poulet, de l'eau, pas de médicaments, pas de visiteurs, seulement des hommes, généralement des jeunes hommes, pas de drames. À l'apogée de l'institut de beauté, cet homme a vécu obsédé par les aquariums et les poissons, dont les détails décrits sont merveilleux : guppies royaux, carpes dorées, monjitas, scalaires, ajolotes et même piranhas d'Amazonie. Au fil de la lecture, l'histoire de la malade et celle du passe-temps des poissons alternent pour lui conférer un certain symbolisme autour de la beauté, du caractère éphémère de la vie, de la maladie et de la mort.

Ainsi, le salon de beauté à succès dans lequel le protagoniste et ses deux employés servent pendant la journée une clientèle féminine sélectionnée, deviendra la nuit un véritable lit de mort pour les patients de l'épidémie qui ravage la ville, puisqu'il n'accueillera que des mourants jusqu'à l'issue fatale. Pendant ce temps, notre protagoniste et ses employés s'habillent généralement en femmes pour sortir à la recherche d'hommes avec lesquels ils peuvent avoir des relations sexuelles dans les principales avenues de la ville. Le récit alterne les sauts dans le temps et nomme peu de choses, y compris le fait de ne pas mentionner ce qu'est cette terrible maladie, bien qu'en la lisant nous sachions de quoi il s'agit, et c'est ce qui est le plus réussi dans cette histoire, dire tout sans dire grand-chose, avec des métaphores précieuses, avec des poissons qui nagent et se battent à mort, dans un endroit où le culte de la beauté est érigé comme la plus haute aspiration sociale transformée en morgue. C'est un exercice complexe que de ne pas tomber dans les détails lorsque nous lisons cette merveilleuse œuvre et pourtant, étrangement, nous ne donnons pas de spoilers parce qu'elle peut être regardée et lue de plusieurs côtés, depuis n'importe quel endroit où vos antécédents, votre idéologie, votre contexte vous permettent de le faire. Salon de Beauté est donc une œuvre que celui qui la lit la complète. La beauté et la douceur rencontrent la mélancolie pour nous offrir, une nouvelle fois, une BD d'une grande poésie. Le dessin et les couleurs sont agréables à l'œil, ce qui rend la lecture de cet ouvrage très fluide.