Printemps 1942. A la fin de l'album précédent, nous avions laissé Spirou et ses deux amis Louis et Suzanne dans un train fermé à clé en direction de l'Allemagne. Ils parviennent à s'échapper par la fenêtre du train et s'installent dans une famille liégeoise. Anselme et sa femme Ernestine sont une famille de paysans avec deux filles, Mieke et Christina. Spirou était autrefois secrètement amoureux de Mieke, mais lorsqu'il les revoit des années plus tard, elle a beaucoup changé. Elle est perçue comme autoritaire et même un peu agressive. Heureusement, il y a aussi d'heureuses retrouvailles avec Fantasio, Madeleine et Kassandra. En ce moment, tous les Belges entre 21 et 50 ans doivent aller travailler en Allemagne. Ils ne sont pas vraiment appelés mais ramassés dans les rues par les nazis lors de raids. Spirou et Fantasio arrangent des faux papiers. Ils ont essayé de faire de même pour leurs amis juifs. Ils aident là où ils peuvent. Grâce à leur spectacle de marionnettes, ils font également passer clandestinement de la nourriture d'un village à l'autre et approvisionnent leurs amis juifs : le peintre Felix et sa femme Felka. Dans cette histoire, la résistance de Spirou et Fantasio va encore plus loin. Ils coopèrent en cachant des pieds-de-biche dans des wagons de train prêts à déporter des Juifs. Grâce à ces armes cachées, les "passagers" peuvent échapper à leur destin en cours de route.

Dès le début de cette œuvre en quatre parties, nous avons été totalement embarqué. Les dessins aux allures enfantines sont charmants. Le charme qu'ils dégagent n'est pas immédiatement approprié pour une histoire sur la persécution des Juifs, mais cela fonctionne. Les dessins désarmants et les couleurs harmonieuses rendent le thème lourd un peu plus digeste. C'est un genre de BD dont on apprend quelque chose sans vraiment s'en rendre compte. Ce n'est pas une bande dessinée éducative avec un dossier complet. Non. Ce n'est pas nécessaire ici non plus. L'histoire vous transporte. Les personnages vous emmènent avec eux. Pour les lecteurs attentifs : de belles références à Tintin (p. 52) et à René Magritte (p. 48). C'est le retour de la vrai grande BD classique franco-belge, héritière de la ligne claire que n'aurait pas renié un Hergé, Jacobs, Tilleux et bien-sûr Franquin. Une bouffée d'air dans la surenchère d'effets stylisés de la BD moderne où le dessin prend bien souvent le dessus sur l'histoire. Un succès critique, véritable instrument didactique et également succès commercial. Ce n'était pas gagné d'avance. Émile Bravo y parle de ce moment de l'histoire parfois avec humour et légèreté, parfois avec mélancolie, tristesse et horreur, mais toujours avec énormément de justesse. Tout comme la partie précédente, il y a un énorme cliffhanger excitant avec un train. Que la dernière partie vienne vite !