Nice, promenade des Anglais, 14 septembre 1927.  La célèbre danseuse Isadora Duncan, jeune quinquagénaire, attend son garagiste installé au volant de sa voiture, une Amilcar (voiture de course à deux places). La belle rejette sur son épaule le pan de son longue écharpe, et c'est la drame : Le foulard de soi se prend dans les rayons de la roue, et l'artiste meurt sur le coup. L'intrigue remonte quelques années en arrière, en 1923 à Moscou. Le non moins connu Serge Essenine, poète russe hors norme et un brin voyou, est marié avec Isadora Duncan, et le couple part en vrille. Son ami Mariengof se souvient pourtant que leur rencontre en 1921 (Lenine avait convié Duncan à venir danser dans la capitale soviétique) avait marqué les esprits. Mais aujourd'hui Essenine n'a plus d'inspiration, souffre d'hallucinations et apparaît très déprimé. Ce qu'il écrit ne résonne plus comme de la poésie, et deux ans plus tard, il se pendra à un tuyau dans la chambre nº 5 de l'hôtel d'Angleterre le 28 décembre 1925 à Leningrad. Le récit comporte quelques extraits des œuvres du poète, certains apparaissant assez abscons il faut l'avouer.

Ce roman graphique de 152 pages nous propose de revenir sur la vie bouillonnante d'un couple pas comme les autres. La progression est structurée en chapitres, et plus on avance dans l'histoire, plus on remonte dans le passé. Les personnages principaux sont des artistes complets, avec leurs forces et leurs faiblesses. Le Rimbaud russe est tombé dans l'alcool et profite plutôt bien de l'argent d'Isadora, qui a 18 ans de plus que lui. Cette dernière se déclare communiste, et apparaît toujours vêtue de rouge, afin de bien marquer ses opinions politiques (même s'il s'agit d'une robe de haute couture) et se comporte plutôt mal avec ses hôtes. Les dessins de Clément Oubrerie sont magnifiques, notamment les passages où Isadora danse qui s'exonère de toute vignette pour mieux exprimer la liberté qui s'en dégage. On y ressent également une forte musicalité, avec des mouvements d'une grande fluidité. Les couleurs évoluent assez vite et expriment surtout le ressenti des personnages. De la noirceur émane toujours le vif rouge des tenues d'Isadora. A noter que cette série connaîtra un deuxième tome, l'occasion de conclure les amours fou (et de fous) de la danseuse.