Réalisé par Denis Villeneuve.
Le futur en 10191 : les voyages interstellaires ne sont possibles qu'au moyen d'une drogue, l'épice, ce qui fait de cette matière première la plus précieuse de tout l'univers. Le seul endroit où l'on trouve de l'épice est la planète désertique Arrakis, également appelée "Dune" dans la langue des Fremens locaux. Celui qui règne sur Arrakis domine l'univers. Pendant huit décennies, la maison Harkonnen, dirigée par le baron Vladimir Harkonnen (Stellan Skarsgård), a exploité la planète. Mais l'empereur Padischah (Christopher Walken) a ensuite cédé le fief d'Arrakis à la maison Atréides. Transférée de la planète aquatique Caladan à la planète désertique, la maison Atréides a découvert qu'elle était tombée dans une embuscade. Détruits par les Harkonnens et les Sardaukars, les troupes d'élite de l'Empereur, seuls le jeune duc Paul (Timothée Chalamet) et sa mère Jessica (Rebecca Ferguson), une voyante de l'Ordre du Bene Gesserit, ont pu se sauver dans le désert. Là, ils rejoignent les Fremens autour du fondamentaliste religieux Stilgar (Javier Bardem), qui voit en Paul le sauveur prophétisé depuis longtemps, et de la laïque Chani (Zendaya). De retour au pouvoir, le neveu du Baron Harkonnen, Rabban (Dave Bautista), doit relancer la production d'épice. Mais l'exploitation de la matière première est menacée non seulement par les vers des sables, qui peuvent mesurer jusqu'à 400 mètres de long, mais aussi par les attaques terroristes des Fremens. Finalement, Rabban est remplacé par un autre neveu du baron, le psychotique Feyd-Rautha (Austin Butler). Pendant ce temps, le Bene Gesserit poursuit son complot sous la houlette de la vénérable mère Mohiam (Charlotte Rampling), avec l'aide de Lady Fenring (Léa Seydoux) et sous les yeux de la princesse Irulan (Florence Pugh).
Dès la première seconde, lorsque le soleil se lève sur la planète désertique Arrakis, et jusqu'aux dernières minutes, lorsqu'un duel mortel en contre-jour du soleil couchant décide du sort de la galaxie, ce film captive son public et ne le lâche pas de sitôt, même après avoir quitté la salle de cinéma. Entre les deux, 166 minutes d'intrigues politiques, de cupidité économique et d'atrocités guerrières motivées par la religion, mais aussi de rires, d'affection et de compassion. La version cinématographique de Denis Villeneuve de "Dune" de Frank Herbert est plus qu'un film, c'est plusieurs films : Film de coming-of-age, drame familial, film d'amour, thriller politique et film de guerre. A la fin, le protagoniste Paul Atréides est passé du statut de jeune homme timide à celui de leader redoutable. Dans le film d'ouverture de l'adaptation en deux parties du roman de Villeneuve, le père de Paul, le duc Leto Atréides, parle de leadership avec son fils sur les tombes de leurs ancêtres. Un grand homme n'y aspire pas, il est appelé à le faire, dit Leto. Dans la suite, son fils évite longtemps son rôle de leader avant de se résigner à son destin. Mais s'agit-il vraiment d'un destin, d'une vocation ou d'une prise de pouvoir ? Jusqu'à la fin, on ne sait pas dans quelle mesure la sombre ascension de Paul n'est qu'un calcul ou si le culte de la personnalité de ses millions d'adeptes ne lui est pas monté à la tête. L'acteur principal Timothée Chalamet joue ce processus insidieux avec une conviction effrayante. Le temps qui s'est écoulé entre le tournage du premier et du deuxième volet a travaillé pour lui. Car son apparence désormais plus mûre convient parfaitement à l'évolution de son personnage. Le jeu séduisant de Chalamet n'est qu'un des nombreux éléments du succès. Un autre élément important est le temps que Denis Villeneuve prend pour cette épopée de science-fiction. Publié en 1965, le roman de Frank Herbert a longtemps été considéré comme non filmable. Un destin qu'il partage avec de nombreuses œuvres épiques de la littérature triviale. La richesse des personnages et la complexité des relations politiques et socio-économiques de ce roman de près de 800 pages ne peuvent tout simplement pas être réduites à la durée limitée d'un film de cinéma. Il n'est donc pas étonnant que l'enfant terrible Alejandro Jodorowsky ait envisagé une adaptation de "Dune" d'une durée de 14 heures, qui n'a jamais vu le jour. Denis Villeneuve se contente d'un peu plus d'un tiers de cette durée et ne commet pas l'erreur de vouloir tout rassembler dans un seul film. L'approche de Peter Jackson sur "Le Seigneur des anneaux" de J. R. R. Tolkien (1954/55) a peut-être servi de modèle à Villeneuve pour son méga-projet. Ce que la trilogie du Néo-Zélandais a signifié pour le genre de la fantasy, le film en deux parties du Franco-Canadien l'accomplit maintenant pour la science-fiction. Comme dans le film d'ouverture, Villeneuve et son co-scénariste Jon Spaihts ne coupent et ne modifient que modérément. Au vu de cela, le cœur de certains fans devrait tout de même saigner. La maison Harkonnen est également trop peu présente dans cette suite et ses acteurs restent cantonnés à des méchants unidimensionnels et détestables. Villeneuve ne jette même qu'un regard furtif sur la cour de l'empereur Padishah. Christopher Walken, l'acteur que Villeneuve avait choisi pour diriger la galaxie, est totalement absent dans ce rôle. Et pourtant, la décision de se concentrer plutôt sur les Fremens et sur l'ascension de Paul d'un simple allié à leur chef est la bonne.
De manière générale, le scénario ne peut être surestimé dans le succès de ce film. Villeneuve et Spaihts prennent délicatement par la main tous ceux qui n'ont jamais eu l'original de Herbert entre les mains. Leur grand art consiste, comme dans la première partie, à transmettre les informations de manière organique tout en faisant avancer l'intrigue à tout moment. Et dans le fait de faire ressortir de manière concise les paires d'opposés déjà présentes dans le roman de Herbert. De même que le tandem de scénaristes oppose à Paul Atreides un antagoniste à sa hauteur, le Feyd-Rautha, interprété de manière écœurante par Austin Butler, il construit tout en douceur, avec la princesse Irulan (Florence Pugh), un pôle opposé au grand amour de Paul, Chani (Zendaya). Le personnage de cette dernière en général, et plus particulièrement la place qu'elle occupe dans la deuxième partie de l'adaptation, constituent la plus grande surprise. En tant que contrepoids laïc au fondamentaliste Stilgar (Javier Bardem), Chani n'est pas seulement la voix de la raison. Elle est aussi, à la fin, la dernière à tenir tête à Paul Atréides. Et la manière dont Zendaya concentre toute l'incompréhension et l'amère déception de son personnage dans un seul regard mérite un prix. La contrepartie de la vénérable mère Mohiam, incarnée par Charlotte Rampling, est Rebecca Ferguson, qui joue Jessica, la mère de Paul. Elle passe d'une simple concubine à l'une des voyantes les plus puissantes de l'univers en faisant preuve d'un calcul froid et d'une humilité de façade. Il est agréable de voir que dans cette épopée guerrière, les hommes ne sont pas les seuls à donner le ton, mais que les femmes dirigent également le destin de la galaxie, tant sur le champ de bataille que dans les coulisses diplomatiques. (Et au vu des séries télévisées à succès comme "Game of Thrones", c'est devenu incontournable au cinéma). Enfin, c'est la brillance technique qui fera le succès de ce film. Les images du caméraman Greig Fraser frappent une fois de plus le public par leur taille. La musique d'Hans Zimmer l'accompagne d'un vrombissement et d'un cliquetis assourdissants. Mais de la même manière que Zimmer joue de la flûte dans la deuxième partie, Fraser trouve le temps de faire des apartés poétiques entre les imposantes scènes de bataille de feu, de sang et de sable. L'action parfaitement chorégraphiée, que l'on voit tantôt lors d'une attaque de guérilla contre une gigantesque moissonneuse d'épice, tantôt lors de la première tentative de Paul de chevaucher un ver des sables, fait se dresser les cheveux sur la tête du public à plusieurs reprises. Les références aux guerres actuelles apparaissent encore plus clairement dans la vaste description de la lutte pour la liberté des Fremens. Malgré toutes les coupes effectuées par rapport à l'original et malgré la nécessité économique de plaire à un public de masse, "Dune : Deuxième Partie" a une profondeur réjouissante. Il n'est cependant pas certain que le voyage de Paul Atréides s'achève avec ce film. Une éventuelle suite de son histoire se dessine au moins.
VERDICT
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Avec "Dune : Deuxième Partie", Denis Villeneuve conclut son adaptation du roman de Frank Herbert, qui fait l'objet d'un culte. Comme le film d'ouverture, le final furieux est un film brillant dans tous les domaines, qui devrait recevoir la bénédiction de nombreux fans de l'original. En ce qui concerne l'action, le développement de personnages décisifs et la profondeur, Villeneuve en rajoute même une couche. Une adaptation imposante qui laisse espérer une suite.