Suzu, 17 ans, vit avec son père dans un petit village du sud-ouest du Japon. La mère de Suzu est décédée tragiquement alors qu'elle n'était encore qu'une enfant. La petite fille a dû tout voir. Aujourd'hui, elle est presque adulte, sur le point d'obtenir son diplôme de fin d'études secondaires et se met en travers de son propre chemin. Suzu est si timide qu'elle n'a qu'une seule amie. Lorsqu'elle s'inscrit à l'application "U", cela change tout. Dans le monde en ligne de "U", des milliards d'utilisateurs se déplacent. Suzu peut d'abord s'y cacher à merveille derrière son avatar, la belle Belle, et faire étalage sans gêne de son talent d'auteur-compositeur-interprète. Tandis que Suzu continue à ne prêter attention à personne à l'école, Belle rassemble de plus en plus de followers autour d'elle. Les concerts qu'elle donne dans le monde en ligne attirent les foules. Jusqu'à l'apparition d'un utilisateur mystérieux qui semble briser toutes les limites et les règles : la Bête. Mais qui se cache derrière son avatar ?

Mamoru Hosoda est un magistral conteur de contes de fées. Car ses films ne sont rien d'autre que des contes de fées modernes. Les premières œuvres indépendantes de ce Japonais né en 1967 étaient déjà parsemées d'éléments fantastiques et d'événements inexplicables. Hosoda aime entrelacer deux mondes en principe incompatibles. Au plus tard avec "Les Enfants Loups, Ame & Yuki" (2012), qu'il a réalisé dans le studio Chizu qu'il a lui-même fondé, il a atteint une telle perfection que ses dessins animés n'ont rien à envier à ceux du studio Ghibli (référence en matière d'animation japonaise). Pour sa nouvelle merveille, il a choisi un point de référence de la tradition (européenne) des contes. Hosoda a transposé le conte populaire français "La Belle et la Bête" dans le Japon contemporain. L'original a déjà inspiré des cinéastes, de Jean Cocteau à V?ra Chytilová et Juraj Herz, et plus récemment Christophe Gans. Les plus connus sont bien sûr le dessin animé de Walt Disney de 1991 et son adaptation en prises de vues réelles de 2017. Ceux qui n'apprécient pas la version musicale traditionnelle de Disney sont dans le vrai avec Hosoda. Certes, il y a aussi des chants dans sa version, mais cela n'a rien à voir avec le kitsch amoureux et familial auquel Disney nous a habitués. Hosoda a non seulement situé l'histoire qu'il a lui-même écrite dans le présent, mais il l'a également dépouillée de toute mièvrerie - et il est ainsi plus proche de la dure réalité du conte d'origine que de la version molle de Disney. Mais il ne s'arrête pas là. Le déplacement temporel d'un passé aux allures de conte de fées vers notre présent n'est que la première étape. La deuxième consiste en un transfert. La protagoniste Suzu n'est une beauté que dans le monde virtuel. Dans le monde réel, elle n'est qu'une écolière sans relief. En conséquence, derrière la bête qui met le monde virtuel en émoi ne se cache pas non plus celui que le public attend.

Si "Belle" rappelle "La Belle et la Bête" de Disney, ce n'est pas seulement à cause du même matériau de base et des numéros musicaux, mais aussi un peu à cause de l'aspect visuel. Avec Tomm Moore ("Brendan et Le Secret de Kells", "Le chant de la mer", etc.) et Jin Kim ("Raiponce", "Baymax", "Zoomania", etc.), Hosoda s'est entouré dans son département d'animation de deux artistes d'animation occidentaux aussi expérimentés que renommés. Le résultat est certes un peu plus "occidental" que les animes habituels, mais il n'en est pas moins japonais de bout en bout. La manière sensible de raconter des histoires de Hosoda est également unique. Comme peu d'autres, il fait apparaître à l'écran les soucis et les besoins des adolescents de manière contemplative et poétique. Là où d'autres dessins animés sont bruyants, le sien est silencieux. Cette fois encore, les personnages ne peuvent pas échapper à leurs problèmes en s'enfuyant dans un autre monde. Mais ce qu'ils ont appris dans l'autre monde les aide à surmonter les problèmes dans leur monde. Dans le cas de Suzu, c'est la confiance en soi acquise en ligne qui lui permet de grandir et de devenir une héroïne comme sa défunte mère. Le constat est simple, la réalisation de Hosoda est magistrale.