Réalisé par Kristoffer Borgli.
Le père de famille Paul Matthews (Nicolas Cage) est un professeur d'université discret qui rêve depuis longtemps d'écrire un traité scientifique sur les fourmis. Paul devient littéralement célèbre du jour au lendemain, non pas grâce à son travail, mais parce qu'il apparaît à des millions de personnes dans leurs rêves. La curiosité devient virale, les cours de Paul explosent et une grande agence de publicité dirigée par le très branché Trent (Michael Cera) frappe à la porte pour commercialiser les droits de l'histoire de la vie de Paul. Alors que Paul est d'abord pris au dépourvu, puis flatté par cette attention, sa femme Janet (Julianne Nicholson) est d'emblée sceptique face au phénomène. Au début, Paul n'apparaît dans les rêves qu'en tant qu'observateur passif. Après que son rôle y soit devenu de plus en plus actif et le contenu des rêves de plus en plus dérangeant, le vent tourne. L'admiration se transforme en haine, qui pèse de plus en plus sur Paul, Janet et leurs deux filles, Sophie (Lily Bird) et Hannah (Jessica Clement).
Cage joue le rôle du professeur d'université Paul Matthews, un homme grisonnant qui aimerait tant faire de grandes choses dans son domaine insignifiant, mais qui est au contraire retenu par sa propre étroitesse d'esprit. Ce rôle discret et plutôt inhabituel pour Cage rappelle plutôt le scénariste névrosé Charlie Kaufman, que Cage a interprété dans l'adaptation cinématographique de la tragi-comédie « Adaptation » (2002), écrite par Kaufman lui-même. (D'ailleurs, le personnage principal imaginé par Borgli et l'ensemble du film font penser à plusieurs reprises à l'univers autoréférentiel de Kaufman). Après le rôle principal dans « Pig » (2021) de Michael Sarnoski, Cage prouve une fois de plus que sa plus grande force n'est pas sa tendance à l'exagération, à laquelle il s'est récemment adonné dans des films comme « Massive Talent » (2022) ou « Renfield » (2023). Le mime, né en 1964, est toujours le plus fort lorsqu'il disparaît derrière son rôle, presque jusqu'à devenir méconnaissable. Le reste de la troupe n'a rien à envier à l'art de Cage. Dans les quelques scènes où Tim Meadows est le doyen de l'université, il est brillant. Les filles du professeur, incarnées par Lily Bird et Jessica Clement, ne se comportent pas seulement de manière crédible comme des adolescentes, elles pourraient tout à fait être sœurs dans la vraie vie. Dans son rôle d'employée d'une agence de publicité, Dylan Gelula (« Unbreakable Kimmy Schmidt », « Casual ») ajoute un nouveau rôle de choix à son répertoire de personnages maladroits. Et Julianne Nicholson est tout simplement époustouflante dans le rôle de Janet, l'épouse de Paul Matthews. Nicolas Cage a qualifié « Dream Scenario » de « peut-être son meilleur film » et de « chef-d'œuvre ». Ce qui enthousiasme tant l'acteur principal dans ce film, c'est la méthode de travail de son réalisateur. Kristoffer Borgli, qui a non seulement écrit le film mais l'a également monté lui-même, savait exactement ce qu'il voulait pendant le tournage, explique Cage. Aucune scène n'est de trop, aucune n'est de trop. Tout est en mouvement et les scènes liées entre elles se fondent d'une manière unique. On ne peut guère mieux décrire que Cage la narration à la fois imbriquée et rythmée de Borgli. Borgli fait tantôt des allers-retours dans l'intrigue, tantôt des retours en arrière, tout en coupant souvent le son, ce qui accroît encore le sentiment d'irréalité. Il visualise les rêves tantôt directement, tantôt indirectement, en insérant au milieu du récit d'un rêve la visualisation de ce rêve. Tout cela s'assemble en une sorte de flux de pensées absurdes, imprégnées de logique onirique. « Dream Scenario » n'est que le deuxième long métrage de ce Norvégien né en 1985 et son premier en anglais. Dans son premier film « Sick of Myself » (2022), Borgli disséquait avec une grande acuité le narcissisme qui sévit dans les médias sociaux et le poussait à l'extrême. Comparée à ce grotesque parfois méchamment corrosif, parfois sincèrement compatissant, la satire sociale de « Dream Scenario » semble plus inoffensive. Mais cela la rend aussi plus crédible. Si un professeur insignifiant apparaissait effectivement du jour au lendemain dans les rêves de milliers de personnes, le battage médiatique dont ce film est le reflet ne serait certainement pas loin. Et la chute qui tourne autour du politiquement correct serait tout aussi imaginable. Le caméraman Benjamin Loeb capte d'ailleurs cette histoire dans des plans baignés de lumière qui rappellent les anciennes prises de vue sur celluloïd et qui créent une atmosphère automnale et chaleureuse. Au premier abord, on a l'impression qu'elle contraste fortement avec le contenu noir de cette comédie. En fin de compte, les deux s'accordent à merveille.
VERDICT
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Après ses débuts fracassants avec « Sick of Myself », le cinéaste norvégien Kristoffer Borgli poursuit sa carrière avec « Dream Scenario ». Cette satire sociale magnifiquement interprétée, magnifiquement filmée et présentée dans un flux narratif complexe est une comédie noire et absurde qui rivalise sans peine avec les grands représentants du genre.