Jusqu'où est-on prêt(e) à aller pour plaire, pour s'intégrer, pour se faire aimer ? Pia Pralin,16 ans, bonne élève, rentre en terminale dans le lycée privé de son amie Pauline (PauPau) où les gens sont stylés. Mais Pia souffre d’un complexe: elle est extrêmement en retard sur le dossier des amours («pas de teuf, pas de mec, pas de baise»). Elle éprouve à ce sujet de la honte, de la peur et de l'envie. Dès les premiers jours elle décide de «mettre des trucs en place» pour entrer dans le groupe des «fraîcheurs du lycée». Quitte au passage à perdre identité, virginité et à renier sans trop d'état d'âme Paupau. Dans ce premier roman graphique aux dialogues qui sonnent vrais, Marguerite Boutrolle analyse avec discernement la fin de l’adolescence. Une période où l’on se cherche sans toujours parvenir à se rencontrer, où le paraître l'emporte sur l'être (avoir du style, traîner avec les gens populaires), où l’on apprend qu’il ne faut se fier à personne (un secret devient vite de Polichinelle) et où l'on peut blesser les gens qui nous aiment vraiment, à l'instar de Paupau ou de la maman (certes dépassée mais jamais dupe). Coup de cœur pour certaines expressions que nous avons trouvées excellentes, notamment «le bonheur-trac».

L'histoire est divisée en dix-huit épisodes séparés par une double page noire. Cette construction habile permet ainsi de marquer une pause propice à la réflexion dans le récit. Mais aussi de percevoir la métamorphose progressive de l'adolescente mise en relief par des gros plans et un coup de crayon épais et généreux. Le dessin sensoriel en noir et blanc comprend également des onomatopées traduisant les émotions qui traversent Pia. L'auteure s'empare des préoccupations des ados : les réflexions sur la première fois à travers l'anecdote de la recherche sur Internet de conseils/techniques, la popularité pour avoir la paix et être respecté, la perception biaisée du monde du travail.