Scénario : Pierre Boisserie et Philippe Guillaume
Dessin : Stéphane Brangier
Couleurs : Siro
La série La Banque s'avère particulièrement originale dans sa conception puisqu'il s'agit d'une grande saga familiale au cœur du monde de la finance. Chaque diptyque est l'occasion d'avancer dans le temps, puisque la série retracera pas moins de deux siècles d'événements économiques et financiers à travers le destin d'une famille de banquiers. L'intrigue débute en 1815 à Londres, où Charlotte et Christian de Saint-Hubert tentent de survivre tant bien que mal, après avoir fuit Paris et la Révolution. Le deuxième diptyque fait un bond dans le temps pour commencer en 1857, avec les descendants de ceux qui ont animé les deux premiers épisodes de la série. Les deux branches de la famille Saint-Hubert ont su profiter de la spéculation rampante déclenchée par les travaux du baron Haussmann. Néanmoins, le régime de Napoléon III est sur le point de vaciller, en pleine guerre contre la Prusse, et la capitale française s'apprête à connaître des heures sombres. Ce troisième cycle prend cette fois place en 1882. Joseph de Saint-Hubert se rend à New York pour superviser l'ouverture d'une succursale de la BGI. Sur place, il découvre que la situation économique n'est pas si florissante qu'on aurait pu le penser, l'euphorie actuelle ne serait qu'une bulle spéculative susceptible d'éclater à tout moment. La prudence s'impose et la Banque doit se recentrer sur son métier de base. Une stratégie qui ne sied guère à son oncle Théodore et à son demi-frère Achille, et pourtant l'avenir donnera raison à Joseph. Trois ans plus tard, la famille apparaît plus que jamais divisée : Achille décide de se lancer dans une carrière politique, et pour ce faire, rien de mieux que de créer son propre journal. Loin des mondanités, Joseph croise quant à lui la route de Suzanne Conte, vendeuse de chapeaux au Bon Marché de Monsieur Aristide Boucicaut. Il tombe immédiatement sous son charme et finira par l'épouser. Une roturière, pensez-vous ...
Le scénario de la Banque est très ambitieux, et le traitement de la période historique se fait de manière assez vraisemblable. Le point marquant de cet arc, c'est la vie de la banque durant les premières années de la IIIème République, une ère de grands travaux (Tour Eiffel, Canal de Panama, etc). Mais il est aussi question de l'emprunt russe lancé par le tsar Alexandre III en personne, visant à moderniser les infrastructures du pays, un placement qui fait fureur auprès des banques hexagonales qui vont se disputer les commissions tirées du placement de ces emprunts auprès des épargnants français et qui conduira à une catastrophe économique. Joseph de Saint Hubert, patron de la Banque Générale d'Investissement, n'y prête guère attention, préférant se tourner vers les innovations d'alors, à savoir l'automobile et bien sur le téléphone. Au niveau dessin, un grand soin a été apporté aux détails, que ce soit du côté des décors ou des personnages. On pourra toutefois reprocher un style un peu trop moderne compte tenu de l'époque visitée. De plus, le traitement des mécanismes financiers demeure un peu trop succinct dans cet opus, malgré la présence d'un supplément de six pages en fin de volume, consacré à la Belle Époque des banques françaises. Le prochain diptyque devrait une fois encore changer drastiquement d'ambiance, puisque nous entrerons en pleine Première Guerre mondiale.
VERDICT
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La Banque conclut un troisième diptyque riche en événements. Des premiers heures de la IIIème République jusqu'à la Première Guerre Mondiale, la France est profondément en train de changer, ce qui refuse de voir certains membres de la famille Saint-Hubert. La clairvoyance de Joseph, véritable héros de cet arc, sauvera l'Union Générale d'un bien mauvais pas, mais le spectre des emprunts russes se profile déjà à l'horizon et pourrait bien réserver des lendemains difficiles aux épargnants ...