Le corps du guerrier "Ours Brun" gît au sol, sur les Grandes Plaines. À lui fut promise la belle "Étoile du désert". Celle-ci, prisonnière, ne sait pas encore ce qui l'attend. Finnsbury, le responsable local et représentant des autorités, continue ses manigances et ses manipulations. Son objectif est clair : il œuvre pour attiser la haine contre les indiens, afin que ceux-ci disparaissent. À jamais...
Stephen Desberg (I.R.$, I.R.$ All Watcher, I.R.$ Team, Mayam, Billy the Cat, Jimmy Tousseul, L'étoile du désert, La 27ème lettre, Le dernier Livre de la Jungle, Rafales, Cassio, Black Op, etc.), Enrico Marini (Gipsy, Rapaces, Les Aigles de Rome, L'étoile du désert) et Hugues Labiano (Black Op) nous offrent un album qui vient clore une histoire commencée en 1996 ! Du combat mené entre "hommes blancs" contre "hommes rouges", nous connaissons l'issue.
L'étoile du désert vient nous interpeller sans détour sur l'histoire fondatrice de l'Amérique. "Personne n'arrête jamais l'argent, crois-moi !" (page 29). Un constat. Toujours vrai.
Ca donne Quoi ? Quand la petite histoire se mélange à la Grande.
Alors que le peuple indien vit ses pires heures, lentement décimé par l’armée américaine, repoussé toujours plus loin par les colons, au mépris des traités signés jadis, nos héros pris dans la tourmente voient leurs destins basculer.
Ours Brun le bravache est tombé sous les balles, Etoile du Désert a été capturée par les blancs et est emmenée pour être vendue par ce lâche de Garth, et Souffle du Matin, qui avait eu une vision de tout ceci, se retrouve bien démuni.
De son coté, Finnsbury, personnification du génocide amérindien, sert ses propres intérêts en montant les partis les uns conte les autres.
A l’image d’une période tragique, le diptyque de Labiano et Desberg est crépusculaire, terriblement tragique et du coup d’autant plus fort coté portée scénaristique.
Labiano, qui avait fort bien repris le flambeau de Marini tout en gardant son style graphique propre, livre un album sombre au sens propre comme au figuré, avec un trait anguleux et âpre qui, s’il pourra en rebuter certains de prime abord, s’avère des plus désigné pour un western, surtout dans la veine de celui-ci.
Les amateurs du genre, comme votre serviteur, ne pourront qu’apprécier !
Zidrou & Josep Homs, Shi — t.2 : “Le Roi démon”
Dans le Londres de la reine Victoria
Shi est un idéogramme qui signifie la mort. Ce serait la dénomination d’une société composée uniquement de femmes qui luttent pour leurs droits et leur liberté. Zidrou reprend ce signe et conçoit une histoire qui débute pendant la première Exposition universelle à Londres en 1851.
Alors que le commissionnaire Kurb est en chemin pour rencontrer la souveraine, un narrateur décrit Londres comme une demi-mondaine, une ogresse. Si une femme régnait sur le plus grand empire, le monde régnait sur la Femme. Sept mois ont passé depuis les derniers événements. Jennifer a été mariée contre sa volonté à un pasteur sadique. Kita, la jeune Japonaise dont le bébé a été enterré avec les ordures a échoué dans un bordel où elle joue les maîtresses pour masochistes.
Lors d’un repas familial, William boit plus que raison et Jennifer révèle l’impuissance de son mari avant de claquer la porte. Le repas tourne court. Les invités partis, le révérend veut punir son épouse qui, pour se défendre, lui jette du mercure au visage. Pour éviter le scandale, l’oncle de Jennifer la fait interner. Kita, qui entend raconter cette histoire, monte une opération commando avec les patientes de l’asile pour la délivrer. En l’entraînant, elle lui dit : “Maintenant, heure revanche !”.
Le patron de la SVPPB, qui fabrique des mines anti-personnel, fête le retour de son fils qui a perdu une jambe sur un explosif fabriqué par les usines de son père. Un inspecteur vient lui faire part d’une série d’attentats visant les cadres de la société et leur famille…
Le scénariste met en scène deux héroïnes, une jeune fille de la haute société qui professe des idées révolutionnaires pour l’époque dans la bouche d’une femme et une jeune Japonaise transportée de son pays jusqu’à Londres pour figurer dans un stand de l’Exposition. Bousculées par le sort, elles décident d’agir pour se libérer du joug d’une société liberticide… sauf pour les nantis. Zidrou montre une classe sociale en mal de respectabilité sans, cependant, mettre en acte les valeurs prônées par ses membres. Leurs vices et déviances offrent des éléments de chantage qui semble convenir au rôle ambigu de la reine Victoria. Il expose un petit monde dépravé, hypocrite, injuste, pillant sans vergogne et sans retenue les richesses du monde.
Cette série relève à la fois du récit historique pour les annotations politiques, économiques et les références sociales, du thriller pour la mise en tension de l’action, par des meurtres et des péripéties musclées, du conte fantastique pour les dispositions de Kita et son tatouage dans le dos et du récit initiatique. Et Zidrou, en verve, concocte une intrigue inventive, d’une grande finesse, alternant deux époques. Elle est servie par des dialogues percutants, d’une pertinence et d’un à-propos certain. Il présente, que ce soit dans les années 1850 ou aujourd’hui, la même classe qui professe les mêmes idées avec le même cynisme.
Le dessin de Josep Homs est absolument unique. Des traits puissants, du dynamisme, des scènes pétulantes, des personnages campés de belle manière et des décors fabuleux remplissent les pages, des pages que l’on ne voudrait pas cesser de tourner. Ses dessins sont si attractifs qu’ils occultent les bulles au contenu cependant brillant.
Ce nouvel album, tome deux d’un premier cycle de quatre, était très attendu. Il répond totalement à cette attente sans décevoir tant il est excellent.
serge perraud
Zidrou (scénario) & Josep Homs (dessin et couleurs), Shi - t. 2 : “Le Roi démon”, Dargaud, octobre 2017, 56 p. – 13,99 €.