Zone Fantôme (Genkai Chitai), initialement publiée dans l'appli LINE Manga, accueille un nouveau volume. Ce tome rassemble quatre histoires de l'auteur qui, une fois de plus, franchit la frontière ténue qui sépare les vivants des morts. Comme on s'y attendait de la part de M. Junji Ito, dans sa conceptualisation habile et ses compétences descriptives, il est maintenant un maître inégalé non seulement dans le monde de l'horreur, mais aussi en tant qu'artiste de manga, et chaque nouveau livre apporte des surprises et des impressions fraîches. Il semble qu'il ait encore du mal à trouver des intrigues neuves, et la postface décrit ses difficultés. Cependant, il reste unique dans la mesure où il peut créer autant d'histoires à partir de seulement quelques mots dans un livre. Malgré cela, l'auteur peut avoir l'impression de décliner, mais c'est un livre qui vous donne envie d'attendre patiemment le prochain épisode. Par coïncidence, trois des quatre histoires semblent provenir d'anciens écrits. Le Démon Noir raconte l'histoire d'une famille haute en couleur, qui a du mal à lutter contre la poussière de sa maison. Malgré l'aide de deux femmes de ménage, la tâche semble sans fin. Le Village de l'Ether narre l'histoire d'un étudiant revenu dans son village d'enfance avec des amis et qui ne comprend pas comment les machines des lieux sont alimentées sans aucune source d'enrgie à disposition. Le retour de la famille Hikizuri est tout à fait dans la même veine. La suite de 'Hikizuri', la première en 27 ans, a été dessinée immédiatement après les deux histoires existantes, et nous avons apprécié le même goût pour le gag et l'horreur. L'invitée, Hotaru-chan, était une très belle fille. Bonne chance à eux.

Enfin, l'histoire la plus surprenante (ou la plus déglinguée c'est selon) est La carapace de Manju, qui figure en bonne place parmi les meilleures histoires de l'auteur. Lorsque une tortue meurt, sa carapace est ramenée par un corbeau au village et annonce la disparition prochaine d'un habitant. La direction est tout simplement terrifiante, et l'image des tortues grouillants à la fin était visuellement horrifiante et ressemblait le plus à un manga d'horreur parmi les quatre histoires. (Le Démon Noir est un type de face-art de belle femme, Ether est plus un karakuri, et Hikizuri est un gag). L'attrait n'est pas seulement l'horreur, mais l'incompatibilité entre le désir infantile du fils, qui a maintenant 30 ans, pour sa mère (même si elle l'a abandonné...) et la malédiction forme une triste suite qui perdure.  Ces histoires sont assez denses (l'ouvrage fait 210 pages), ce qui permet de bien s'imerger de dans. Le tout, bien sûr, magistralement assaisonné de son style de dessin si particulier, qui semble rendre ces scènes avec une justesse parfois même trop détaillée, faisant frissonner quelque chose en nous devant un décor qui nous rebute.