Justin va prendre sa retraite. Il refuse que son « année noire » soit comptabilisée pour sa pension. Son année noire, c’est l’année 1943, quand il fut requis, comme des centaines de milliers de jeunes Français, pour le Service du travail obligatoire en Allemagne, le STO. Justin, ce jour-là, avec sa petite-fille sur ses épaules, déambule dans Paris, jusqu’au National, le café où il travaille. Devant le National, les souvenirs affluent. Il se remémore sa rencontre avec Renée, la « jolie de l’imprimerie ». Renée qui est, trente-neuf ans après leur premier baiser, toujours la femme de sa vie, la mère de sa fille, et la grand-mère de sa petite-fille. Il se souvient de l’Allemagne, du camp de Henningsdorf, où il fut parqué avec d’autres STO, comme on les appelle. Il a encore le souvenir cinglant des conditions de travail pénibles et dégradantes, des brimades imbéciles et douloureuses. Il se rappelle s’être versé, pour échapper à son sort, de l’huile de machine dans l’œil, son « oeil droit qui ne s’est pas remis du STO », de son évasion du camp, de son retour à Paris, de Renée retrouvée...

Parution le 5 février